[Par Javier de Blas à Tindouf, Algérie] Entre février et mars 2015, j'ai passé un mois à vivre avec une famille sahraouie dans leur "haima" dans les camps de réfugiés de Tindouf. Chaque mardi, je poste ici les notes et croquis que j'ai réalisés sur la vie quotidienne dans les camps.
26 au 27.03.2015
Demain, nous aurons un dîner d'adieu. Les jeunes frères et sœurs de Shabu, Aziza, Jalima, Abderrahman, ainsi qu'un de leurs cousins sont dans ma chambre, qui est un salon, et jouent de la musique de danse sahraouie. Il n'y a pas d'alcool ici, les gens ne sortent pas dans les cafés, les pubs ou les discothèques. Danser est une façon amusante de se débarrasser des toiles d'araignée, des tensions et de retrouver son humour.
Ce n'est pas la première fois que je danse avec la famille. Ma maladresse les fait beaucoup rire de moi. Mais la grâce féminine d'Aziza, de Jalima et de sa cousine Jira qui vient de temps en temps de la cuisine, me donne un sentiment d'émerveillement, je suis absolument fasciné par tout cela. C'est comme une "arabesque" décorative et suggestive qui complète adéquatement les mouvements laconiques et vigoureux des hommes. La voix mélancolique des chanteurs et la douce plainte qui provient des cordes du hajoujs (luth bédouin primitif) me transportent directement vers les feux de camp nocturnes du désert. Dommage de ne pas y avoir vécu auparavant.
Épuisés, ils finissent sur le tapis et je continue à m'émerveiller devant eux, ravi de la familiarité avec laquelle ils s'allongent pour un moment, là, dans la même pièce où je dors. Pendant ce temps, Duaya, Shabu et Jira ont nettoyé le service à thé et préparé la nourriture, qui se poursuit jusqu'au matin. Sidahmed, l'aîné des frères qui vit avec la famille, les aide à déchiqueter la viande qui est cuite dans de grandes marmites sphériques recouvertes de sacs.
Le spectacle du 27 est magnifique, par la variété et l'attrait de tous les plats. C'est dommage que toute la famille ne s'assoie pas avec nous pour manger. Ici, il est de coutume que ceux qui invitent (dans ce cas, moi) ne soient accompagnés que par les membres de la famille les plus proches de ceux qui sont invités, (aujourd'hui, ce sont des amis de Shabu et moi) tandis que le reste mange à part et après. Voilà à quoi ressemble l'hospitalité sahraouie.
Dans la nuit du 27, je pars avec le convoi qui nous emmène à l'aéroport de Tindouf. Lors de ce voyage, je n'ai pas vu de monuments, mais oui, une société monumentalement chaleureuse. La nostalgie durera des semaines.