[Article invité par Delphine Doreau à Los Angeles] Pendant longtemps, j'ai été très à l'aise avec le gris. Le bleu, et surtout les ciels bleus, était un luxe à Paris ou à San Francisco où je vivais, quelque chose que l'on pouvait vivre avec plaisir... et rarement croquer. Le bleu était hors de ma zone de confort en tant que dessinatrice. Et puis, j'ai déménagé à Los Angeles il y a sept ans. Ici, le ciel est bleu, un bleu aveuglant, glorieux et charmant, la plupart du temps. Lorsque j'ai décidé d'apprendre sérieusement à peindre des croquis à l'aquarelle, j'ai dû m'en occuper... et j'ai réalisé que je n'y avais jamais vraiment pensé.
Peindre un beau ciel bleu à l'aquarelle semble très simple, mais c'est en fait une tâche difficile. Il y a tout ce qui concerne les dégradés, le papier et la dilution, bien sûr, mais cela peut être résolu avec un peu d'exercice et du très bon papier.
Le plus gros problème est en fait la couleur. En tant qu'humains, nous avons une bonne notion d'un bleu moyen. J'ai cherché un bleu moyen de 475 nanomètres, et je l'ai trouvé assez troublant : c'est exactement comme je l'avais imaginé. Nous avons tous des versions différentes des couleurs de base, nos propres palettes culturelles et personnelles. Il est normalement impossible d'imaginer une couleur universelle et moyenne. Il est difficile de définir le rouge, certains le voient plutôt tomate, d'autres plutôt carmin. Les jaunes sont encore plus difficiles et le vert, il ne faut même pas y penser. Mais le bleu, nous en avons une bonne notion. C'est assez intéressant si on y réfléchit. Est-ce parce que cette couleur est très peu présente dans la nature, à part dans le ciel ?
Essais de ciel bleu aux Huntington Gardens, à San Marino, CA. C'était avant que je comprenne que j'avais vraiment, vraiment besoin de mouiller mon papier avant de peindre des ciels.
Si vous voulez dessiner un ciel bleu clair et que vous savez ce que vous voulez montrer, ne serait-il pas agréable d'avoir exactement le bon bleu (ou les bons bleus) dans votre palette ?
Problème : il n'y a pas beaucoup de pigments bleus.
Et même si vous pouvez obtenir la bonne teinte, la bonne saturation et les bonnes valeurs sont difficiles à trouver, voire impossibles. Le ciel, le ciel bleu pur, est bleu à cause de Diffusion de Rayleigh: les particules dans l'atmosphère diffusant la lumière bleue plus que la rouge. C'est la lumière du soleil, diffusée. Elle est plus lumineuse que le papier, plus lumineuse que n'importe quelle peinture.
J'ai fait des tests : Bleu de Prusse est trop sombre, Phthalo est trop verte et trop intense, Ultramarine est sympa comme touche mais un peu trop sombre et violet...ceci, pour les pas évidents, des pigments historiques classiques qui sont résistants à la lumière et faciles à trouver. J'ai tendance à préférer les pigments non toxiques ou les peintures pas trop toxiques car mon chat adore boire mon eau de peinture. Je cherche également des peintures avec un seul pigment au début lorsque je construis ma palette. Par exemple, j'aime bien Verditer Blue de Daniel Smith, mais elle est composée de trois pigments dont un blanc ressemblant à de la gouache, une belle couleur mais probablement pas le meilleur élément de base pour une palette restreinte. J'ai donc continué ma recherche d'une belle peinture faite à partir d'un seul pigment avec un fond historique...
Quelques tests du ciel
Je n'ai pas réussi à trouver un beau bleu pour mon ciel californien. C'était très décevant. J'ai fait quelques recherche pour les gris et a découvert que cobalt a fait de délicieux gris froids mélangés à de la terre de sienne brute. Je l'ai testé puis j'ai hésité. Quel beau bleu !
J'ai cherché des solutions. Richard Parkes Bonington a de beaux ciels bleus. John Sell Cotmana aussi des bleus délicieux et intenses. J'ai donc cherché à savoir à quels types de peintures ils avaient accès à leur époque. Cela pourrait être bleu outremer, bleu de Prusse...ou cela pourrait être cobalt. Cela m'a fait revenir à ce pigment.
J'ai eu quelques cobalt Deux petits tubes bien rangés, de Sennelier et de Winsor & Newton. Les deux sont de la même composition pigmentaire, PB 28, mais contrairement aux vert phthalo ou d'autres couleurs qui sont assez constantes à travers le spectre des marques, j'ai été surpris de découvrir que le cobalt Sennelier était plus ultramarin (rougeâtre) que le Winsor & Newton. Cela ne se voit pas beaucoup après avoir scanné une photo RVB, mais en réalité la différence est plus visible. Les deux sont beaux et intenses et feront des ciels saturés profonds, combinés avec d'autres couleurs pour la profondeur. Le bleu cobalt se transforme en de jolis gris dès qu'on ajoute une touche de rouge clair (PR102) ou de terre de Sienne brute, ce qui rend la création de nuages très amusante. Cela en fait donc un très bel ajout à une petite palette de croquis d'été.
En poursuivant mes recherches, j'ai découvert que le pigment le plus proche de ce bleu moyen magique est le suivant coeruleum (Ce qui se traduit approximativement en latin par " la couleur du ciel ou de la mer ").
Bleu céruléen est une bonne couleur, et une couleur à laquelle les grands peintres du 19ème siècle avaient accès. Mais un vrai (PB 35) est difficile à trouver. J'ai acheté un Daler Rowney.
C'est presque ce qu'il faut pour un ciel français, un beau bleu moyen avec une belle granulation, mais pas tout à fait aussi intense qu'on le souhaiterait. Il y a un soupçon de vert, que l'on retrouve dans certains ciels, mais il n'est pas aussi intense que le cobalt. Ceci dit, c'est une belle couleur à ajouter à une palette, car elle se mélange très bien avec d'autres couleurs.
Donc... je suis prêt à changer ma palette, encore une fois !
Delphine est une artiste française qui vit sur la Hollywood Riviera à Los Angeles. Elle est directrice artistique et blogue son travail à http://www.ddoreau.com.
